Démarche plasticienne
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C'est avec un œil et
un esprit de photographe plasticienne que je déclenche le bouton de mon appareil
numérique. Dans cette approche, il n'y a aucune prétention technicienne
à l'usage du boitier et de ses objectifs, d'une recherche d'image
reportage ou "artistique". La maîtrise de l'objet et du sujet est
soumise à ma perception appréhendée, conçue ou vécue d'un monde bien réel.
Ces photographies,
dans leur représentation du visible et de l’invisible, sont à la fois
perception, impression, sensation. Par l'intermédiaire d'un jeu avec l’espace, le temps,
les couleurs, les lumières, les matières, mon œil
intimiste capte la relation de la lumière et de l’objet,
intercepte la quintessence, pour délivrer une image où
l’affect l’emporte sur la figure.
Cette pratique de la
photographie est une occasion de représentation esthétique personnelle,
souvent proche de l'art pictural. Par sensibilité avec l'art abstrait
et l’art contemporain du vitrail, mes photographies plasticiennes sont
des compositions qui empruntent à la matérialité picturale et à la
luminosité des vitraux, tout en restant des instantanés photographiques.
Mon attachement et ma
connaissance des arts abstraits ont sans doute commencé avec les
1ères œuvres abstraites de mon père à partir de 1989. Je
m'enthousiasme pour des peintres que mon père me fait connaître
comme Turner, Hartung, Pollock, Riopelle, Soulages, Vieira Da Silva,
Zao-wou-ki... Je rencontre Chu teh Chun en 1994 ou 1995 à
Vitry-Sur-Seine lors d'une visite d'atelier d'artiste
organisée par la
bibliothèque municipale Buffon de mon quartier dans le 5ème
arrondissement de Paris, sans avoir alors connaissance de la
notoriété de ce peintre chinois. En 1991, mon père crée ses 1ers
vitraux abstraits pour la petite Eglise de Meillier-Fontaine dans les
Ardennes, commune où il a son atelier d'artiste. Mais c'est à partir
de 2006 que je découvre et commence à m'intéresser aux vitraux
contemporains.
Mes 1ères
photographies plasticiennes de 2004-2005, série de roses mêlées,
série de papiers déchirés, série de décors mêlés, sont
ce que je nomme alors des photographies créatives abstraites. Il
s'agit là d'un travail provenant de ma prise en main du logiciel
Photoshop et de ses possibilités, et
du mélange de mes photographies de roses, de décors et de mes
photographies des tableaux abstraits de mon père. Je débute là ce
qui est de l'ordre d'un profond désir de ne plus être seulement
spectatrice mais créatrice, en alliant mes compétences et mes goûts
esthétiques. A travers cette expérience, la photographie s'est
révélée pour moi le moyen de satisfaire ces deux nécessités.
Consciente de devoir m'abstraire du lien affectif avec le travail de
mon père et affirmer ma propre voie artistique, je réalise en 2005
mes 1ères photographies de Flous de paysages de mer que je
nomme maintenant "Evanescences nocturnes sur mer",
Photographies lumino-perceptives. C'est en 2008, en voulant écrire
pour expliquer ma démarche jusque là sensorielle et intuitive que je
prends conscience de l'influence des peintres qui me sont chers comme
Monet, Turner et Whistler. Il me paraît alors évident que ces
photographies réalisées chaque année dans le même paysage de
Bretagne sont à la fois photographie et peinture.
Je
poursuis ma quête personnelle en 2006, en réalisant mes 1ères
macrographies de lumières "Jeux de lumières", des
Lumino-chroma-graphies.
Après m'être rendue en 2008 au Centre international du vitrail à
Chartres, j'étends mes connaissances de l'art contemporain du
vitrail à travers les ouvrages consacrés et des visites de lieux de
spiritualités aux vitraux abstraits. Je prends connaissance du fait
que la plupart des peintres
de l'abstraction se
sont aussi osés à la création de l’art de
la lumière :
Bazaine, Bissière, Comment, Debré, Estève, Le Moal, Manessier, Sima,
Soulages, Vieira Da Silva.... Là encore ma fascination pour cet art
du vitrail me conduit à regarder mon travail photographique dans
cette proximité.
Mes photographies
plasticiennes inspirées de l'abstraction, des lumières, des couleurs
ne pouvaient que trouver le parallèle avec les arts du regard que
sont la peinture et le vitrail. Mais c'est rétrospectivement que
j'ai perçu et compris que celles-ci prenaient également la dimension
d'un hommage, un éloge à ce qui me procure des émotions esthétiques.
Je parviens sans pinceaux, ni verres ou matières synthétiques à un
résultat qui m'est propre, qui me parle et me touche en ayant
l'impression, le sentiment de voir et présenter ce que d'autres
artistes admirés ont su voir.
© août 2009
Dans mes macrographies
de lumières, mes "Lumino-chroma-graphies",
la mise en scène d’une rencontre entre des lumières
colorées et des surfaces transparentes et réfléchissantes, fait
interagir les couleurs
entre elles et révéler les effets de matière. Par l'œil
de l'objectif, mon œil s’immisce et saisit l’imperceptible attrait coloré, dans
un espace temps où tout est autre instantanément.
Parce que la
photographie est lumière, couleur, mouvement, je photographie dans
l’avènement même à l’image, sans condition de représentation, la
révélation des qualités plastiques de la lumière. La teinte, la
luminosité, la saturation des couleurs surgissent avec des formes et
une force étonnantes. Ces photographies aux
tonalités variées subliment l’intensité et la densité de couleurs émanantes, irradiantes, concentrées ou diffuses, rendent la fugacité
des mouvements par des halos, des faisceaux, et la subtilité des
textures par des stries, des voiles, des glacis, des flous, de la
netteté… Dans celles-ci, les objets agencés sont approchés avec l'harmonie
d'un champ sensoriel ouvert, à la fois substantielle
et émotionnelle, et qui jouxte avec l’imprévisible.
Mes macrographies de
lumières sont aussi intitulées "Lumino-chroma-graphies"
pour exprimer le fait que dans mes prises de vue j'essaie de faire
advenir une image par la lumière pour un effet graphique proche de
la peinture et du vitrail. Tel les peintres je cherche à peindre la
lumière, tel les vitraillistes à ce que les couleurs illuminées par
une lumière traverssante puisse refléter quelque chose de tamisé ou
d'éclatant. Mes photographies jouent avec les lumières colorées pour
créer des peintures aux couleurs lumineuses. Ce sont des
peintures-vitraux instantanés.
© juin 2008
C'est lors de mes
vacances en Bretagne en août 2005, que ma 1ère série de
photographies "Lumino-perceptives" a débuté. Devant la mer, le phare,
les barques, mon œil chaque soir contemplait ces instants animés où
le soleil disparaît si vite et si incroyablement. De la lumière et
ses dégradés de couleurs, si douce et si violente, si irradiante, si
aveuglante, successivement ou
subrepticement, au bleu-gris des nuages vaporeux et au ciel noirci
jusqu'au noir où se distingue encore des silhouettes,
et noir total, c'est une succession d’images qui défilent. C'est une multitude
de couleurs et de reflets entre le ciel, la mer et le soleil, un
afflux d'impressions visuelles. L’œil se fige et se mobilise. L’œil ne quitte
pas cette vue et suit ce mouvement. L’œil s’excite et s’endort. Le
temps d’un crépuscule.
Dans un espace temps
rapide, tout s’accélère soudainement, de l’extase au néant. Quand il
ne reste plus rien à voir, l’œil reste ébloui, en émoi, et c’est un
ensemble confus d’images qui envahit l’esprit. Ces souvenirs du
paysage et de ses éléments qui ont pu apparaître grands et proches
un instant et petits et lointains à un autre, s’entremêlent, se
superposent et s'immobilisent dans un ravissement émotionnel.
J’aime l’idée de ne
pas réduire la beauté d’un couché de soleil qui est succession, à une
image unique et figée. Mes photographies "Lumino-perceptives" ne
représentent pas une vision mais dessinent un flot de
visions, une atmosphère. Le flou de
ces photographies retrace la cadence d’explosion des lumières et
traduit le trouble des sentiments.
Les impressions de couleurs et
de factures que j'ai crées dans mes photographies "Lumino-perceptives"
de soleil tombant dans la mer bretonne, me procurent une
satisfaction esthétique et émotionnelle assez similaire à celle que
j'éprouve en contemplant certaines oeuvres de maîtres tels que
Turner avec ses représentations des forces naturelles (tempêtes de mer, bourrasques de vent,
averses de pluie, soleil éblouissant…), de
Whistler dans ses Nocturnes (dans lesquelles brouillard, fumée, pénombre sur la Tamise dans
l’environnement industriel pollué de Chelsea, créent l’atmosphère de
cette peinture esthétique), et également des séries de lumières variantes de Monet
(Les meules, le Parlement, les Matinées sur la Seine, les
vues de la Tamise à Londres).
Comme Turner,
Whistler, Monet l’ont fait en peinture chacun à leur manière avec
des effets, la photographie peut rendre l’impression de nos
perceptions. Je ne prends pas en photo des objets mais un sujet : la
perception d’un moment, des formes qui se noient entre elles comme
le soleil se noie dans la mer, la quintessence d’une beauté sublime. Les
couleurs se côtoient confusément, les contours se diluent, les
objets s'agrandissent, se rétrécissent, se dissipent, quand la nuit s’accentue (quand la nuit se fait
nuit). La lumière évanouissante laisse une impression de perceptions
confuses d’un spectacle presque irréel, d’un moment étrange, où éclat
et opacité se succèdent dans un laps de temps rapide. Mais le lieu
reste reconnaissable. La semi obscurité voile, déforme mais ne cache
pas.
La relation de la
peinture à la photographie montre combien tout raisonnement par la
dualité, crée de fausses oppositions et de faux débats. L’opposition
de la peinture et de la photographie à une époque, en leur
attribuant des rôles différents, a généré cette question : la
photographie est-elle un art ? et pour elle la nécessité de
justifier cette prétention. L’opposition au XXème siècle entre art
figuratif et art abstrait, comme deux entités distinctes, a amené
l’interrogation au XXIème siècle de la fin de l’art abstrait alors
même tout art est abstrait à partir du simple fait de ne pas être
une copie exacte de réel. L’abstraction n’est que la libération du
figuratif, comme l’art est une libération de la sensibilité. Si
l’art est une création de l’artiste, l’abstraction est un phénomène
naturel. L’artiste par sa faculté de savoir regarder et de toujours
vouloir imiter ce qui est beau, observe la nature et ses couleurs.
La nature ne dissimule rien de ses charmes végétal, animal(...) de
la variété de couleurs harmonieusement disposées les unes avec les
autres, à celui qui s’approche. Les poissons multicolores, les papillons, les feuilles
chamarrées des arbres, les roches bigarrées (…) n’auront-ils plus
d’attrait à nos yeux un jour ?
La nature n'a pas à rendre de comptes.
L’inconvénient
de l’art par rapport à la nature est que l’homme peut s’exprimer, et
l’artiste s’expliquer. De cette habileté à faire rêver les couleurs peut dépendre sa valeur
artistique.
© avril 2008
Dans la pratique de la
photographie, et cela est d'autant plus visible en
macrophotographie, la lumière qui se diffuse, se réfléchit, se
colorie n’est pas restrictivement un élément essentiel pour le
photographe mais peut également être par elle-même image abstraite
photographiée et photographique. Dans une telle perspective
plastique au plus près des objets mis en lumière, le sujet n’est
plus l’objet support de la photographie mais une manière de
percevoir.
Que ce soit dans mes
jeux de lumières colorées, dans mes macros ou dans mes flous de
paysages, ce qui m’importe n’est pas l’objet photographié mais que ce
qui fait l’essence de la photographie soit préservée et même mis en
avant : les lumières, l’éclairage, le cadrage, le flou et la
netteté, le mouvement… Cette liberté photographique par rapport au
sujet-objet et à la perfection technique est créatrice.
© mars 2008
Ma pratique de la
photographie a commencé lors de mes voyages. Mes photographies
étaient alors celle du reportage, du souvenir. Puis à partir de
2004, c'est la photographie d’œuvres d’art, celles de mon père,
artiste peintre et sculpteur pour son site internet. Dans une
certaine continuité avec l'œuvre abstraite de mon père, avec ma
culture artistique et mon regard critique acquis lors de mes études
de philosophie, je me suis intéressée à diriger mon appareil
numérique vers ce qui est visible sans l’être toujours. S’approcher
au plus près pour découvrir les objets non plus dans leur globalité,
leur apparence sensible et reconnaissable mais dans une contingence
dévoilant une réalité souvent imperceptible. C’est à l’occasion de
ce contact intime et unique au plus près des objets que se découvrent
une autre perception des choses, des phénomènes qui s’offrent en
tant que forces.
Les éléments que sont
l’eau, le feu, l’air, la terre ont l’attrait d’avoir une valeur
vitale et une valeur esthétique immédiate. L’eau, ruisselle, ricoche
; le feu, danse, crépite ; le vent, souffle, tourbillonne...Toute
cette énergie vibre d’une multitude de couleurs au contact du monde
environnant : roches, feuilles, bois... Les forces naturelles de
l’eau et leurs reflets, de l’air, du soleil sont mon inspiration.
J’ai ce regard
photographique des artistes abstraits qui s'expriment à travers la
peinture, la sculpture, les vitraux... Je pense à cette abstraction
qui est paysage, voyage, émotion, sublimation, à ces artistes proches de
la nature et de la lumière comme Zao Wou-Ki, Chu Teh-Chun, Wang Yan
Cheng ; Hartung ; Soulages, Bazaine, Olivier Debré… A ces arts, la
photographie n'a rien à envier, elle recèle également les mêmes
possibilités artistiques, et peut même être pour ceux-ci révélatrice
d'une perception non fantasmée mais à peine visible et représentée
par les artistes. Loin de penser que l’abstraction est dépassée en
art, la photographie au contraire en atteste la réalité
existentielle. L'abstraction est une perception qui dévoile une
esthétique non pragmatique et usuelle des choses, et pénètre
certains phénomènes, comme la lumière qui nous permet de voir
parfois sans voir, et les couleurs que nous nous représentons sans
qu'elles existent physiquement..
© mars 2008
A prendre les tableaux de mon père
en photographie,
j’ai voulu un jour les mettre en photographie.
Fille de peintre, la
fréquentation de
la couleur, des formes, de la matière des peintures abstraites de mon père
me porte naturellement vers une photographie abstraite, vers la
macrophotographie et la photographie rapprochée (voir
galeries macro). Des compositions qui nous transportent dans un
autre monde de sensations, loin de nos perceptions habituelles. Détails des textures, association des couleurs, flous contrôlés et colorés du fond d'image, se coupant de la réalité du sujet
pour n'en conserver que l'essentiel : les couleurs, les formes, les
motifs, les textures.
Dans ma recherche des sujets à photographier,
à l’affût d’une ambiance, d’une impression, dans la sélection des meilleurs
éléments pour en faire des tableaux colorés, il m’est apparu tout
naturellement que je pouvais jouer avec ce que j’admirais le plus. Les
tableaux empruntés sont successivement ou alternativement,
recadrés, mélangés à des photographies numériques et travaillés à l'aide de
logiciels.
Ma démarche créatrice consiste non pas à
réaliser des œuvres picturales à partir de photographies mais à emprunter
ces peintures abstraites pour recréer une œuvre mêlée pour laquelle la
matière picturale n’est pas qu'un support adéquat ou un arrière plan
de choix mais un lien intime. La co-existence des deux arts reste toujours
reconnaissable dans ce travail et donne à la photographie une certaine
matérialité.
© 2005
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